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Perte d'exploitation et COVID - 19 : la fin d'une polémique ?

Le 23 avril 2020
Perte d'exploitation et COVID - 19 : la fin d'une polémique ?

Dans un article précédent, nous avions donné notre avis sur la perte d'exploitation sans dommage matériel, et l'assurabilité du risque (voir les articles des 12 et 14 avril à ce sujet).

Les assureurs ont été interpellés tant par les entreprises assurés, par les députés, par le Président de la République, sur leur implication dans la crise économique actuelle, et notamment quant à l'application de la garantie perte d'exploitation suite à la fermeture des établissements recevant du public, pour éviter la propagation du coronavirus.

L'Autorité de Contrôle Prudentiel et de résolution, l'ACPR, a transmis un communiqué de presse le 21 avril 2020, dans lequel il invitait les assureurs à la plus grande prudence :

"Elle rappelle aussi que les moyens financiers dont les assureurs disposent pour tenir l'ensemble des engagements qu'ils ont pris vis-à-vis de leurs assurés, et contribuer ainsi à amortir le choix économique provoqué par la pandémie ne peuvent pas, sauf à les mettre en risque, être utilisés pour couvrir des évènements qui sont explicitement exclus de leurs contrats. En outre, une garantie portant sur les pertes d'exploitations liées à une pandémie ne serait généralisée à un prix raisonnable que dans le cadre d'un régime obligatoire garanti par l'Etat" (Communiqué de Presse de l'ACPR, 21 avril 2020, "Les incertitudes sur l'ampleur des impacts de la crise imposent une gestion prudente des fonds propres des assureurs").

Ce communiqué, invitant les assureurs à la plus grande prudence, aurait pu mettre fin à la polémique sur l'application de la garantie perte d'exploitation.

C'était sans compter sur les annonces récentes du Crédit Mutuel. Ce dernier vient d'annoncer qu'il indemniserait à hauteur de 200 millions d'euros ses clients professionnels au titre des pertes d'exploitations, considérant qu'il s'agissait d'un "devoir moral".

Il s'agit là d'une décision intelligente sur le plan stratégique.

En effet le Crédit mutuel n'affirme pas que la garantie Perte d'exploitation insérée dans les contrats d'assurance serait applicable. Il ne se place pas sur le terrain juridique, mais sur celui de la solidarité vis-à-vis des ses clients professionnels :

"On ne va pas ergoter sur le droit (...). Si on ergote pendant six mois, les clients auront disparu et à la fin tout le monde sera perdant" a affirmé Nicolas THERY, le patron du groupe Crédit Mutuel.

Cette annonce évitera bien sûr que les clients ne choisissent la voie judiciaire pour trancher la question de l'application de la garantie Perte d'exploitation. En outre, le Crédit Mutuel devient le 1er assureur à soutenir ses clients professionnels. Demain, les professionnels se souviendront de cette décision et se tourneront naturellement vers cet assureur.

Le Crédit Agricole l'a bien compris, et a suivi cette position. Il s'est aligné et a déclaré mobiliser la même somme dans le cadre du dispositif de soutien "pour tous les assurés ayant souscrit une assurance multirisque professionnelle avec perte d'exploitation".

Ces annonces n'ont donc pas mis fin à la polémique sur la question de l'application de la garantie Perte d'Exploitation.

Il est fort probable que des décisions judiciaires interviendront prochainement sur cette question pour les contrats d'assurance prévoyant une telle garantie, et pour laquelle les assureurs auront refusé de l'appliquer au motif que le risque serait inassurable. Les tribunaux pourraient être amenés à considérer que les pertes d'exploitation consécutive aux fermetures d'établissements soient couverts de manière implicite, c'est à dire que la couverture ne serait pas expressément mentionnée mais ne serait pas exclue des garanties, si bien que les dommages consécutifs à la réalisation de ce risque pourraient se trouver couvert par le contrat.