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Déchéance des droits des tiers payeurs dans le cadre de l’indemnisation des victimes d’accident de la circulation

Le 17 mars 2021
Déchéance des droits des tiers payeurs dans le cadre de l’indemnisation des victimes d’accident de la circulation
Dans le cadre de l’offre faite à la victime, l’assureur doit notamment tenir compte des créances des tiers-payeurs pour le montant de leurs recours subrogatoires. Voici quelques précisions à ce sujet.

L’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation est strictement encadrée par les articles L.211-9 et suivants du Code des assurances, lesquelles prévoient notamment la mise en place d’une procédure d’offre devant être scrupuleusement respectée par l’assureur.

C’est ainsi que dans le cadre de l’offre faite à la victime, l’assureur doit notamment tenir compte des créances des tiers-payeurs pour le montant de leurs recours subrogatoires. L’objet de cette subrogation est en effet constitué par l’ensemble des prestations versées directement à la victime par les tiers payeurs (organismes de sécurité sociale, mutuelles, institutions de prévoyance, employeur public ou privé…).

Afin que l’assureur soit informé de l’existence de tiers-payeurs, la victime est donc tenue de communiquer à l’assureur les renseignements sur l’identité des tiers payeurs qui versent ou qui sont susceptibles de lui verser des prestations.

Dès que l’assureur a connaissance de l’identité des tiers payeurs, il est tenu de solliciter auprès de ces derniers une production de leurs créances.

Les modalités et délais de production des créances des tiers payeurs sont alors régis par les articles L.211-11 et L.211-12 du Code des assurances.

1.- La déchéance des droits des tiers payeurs à l’égard de l’assureur en l’absence de production de leurs créances dans un délai de quatre mois.

En application de l’article L.211-11 al.2 du Code des assurances, les tiers-payeurs disposent d’un délai de quatre mois à compter de la demande de l’assureur pour produire leurs créances, à peine de déchéance de leurs droits, tant à l’égard de l’assureur que de l’auteur du dommage.

La déchéance du droit des tiers payeurs à l’égard de l’assureur constitue une sanction sévère, qui est néanmoins subordonnée à plusieurs conditions.

Tout d’abord, dans le cadre de sa demande de production de créance, l’assureur doit indiquer les mentions prévues par l’article R.211-41 du Code des assurances. Cet article dispose que «la demande adressée par l'assureur à un tiers payeur en vue de la production de ses créances indique les nom, prénoms, adresse de la victime, son activité professionnelle et l'adresse de son ou ses employeurs ».

En outre, le courrier de l’assureur doit rappeler, de manière très apparente, les dispositions des articles L. 211-11 et L. 211-12. À défaut de ces indications, le délai de déchéance prévu au deuxième alinéa de l'article L. 211-11 ne court pas.

Ensuite, la déchéance du droit des tiers-payeurs est subordonnée à la condition stricte que la procédure d’offre prévue par l’article L.211-9 ait été scrupuleusement respectée par l’assureur (Cass. Civ. 2ème, 8 mars 2006, n°04-11408 ; Cass. Civ. 2ème, 9 mars 2006, n°03-20258).

A cet égard et sur le fondement de l’article L.211-9, la jurisprudence retient que « l’assureur ne peut invoquer la déchéance des droits des tiers payeurs lorsqu’il signe une transaction avec la victime, sans que la preuve soit rapportée qu’il a avisé l’organisme tiers payeur de ce choix, qui entraînait la liquidation du préjudice corporel de cette victime » (Cass. Civ. 2ème, 4 octobre 2012, n°11-25063).

La jurisprudence impose donc à l’assureur d’informer le tiers payeur de la transaction qu’il allait conclure avec la victime, à défaut de quoi la déchéance lui est inopposable.

En conséquence, lorsque les mentions prévues par l’article R.211-41 ont été stipulées dans le contrat et que la procédure d’offre a été scrupuleusement respectée par l’assureur, le tiers-payeur qui n’a pas déclaré sa créance définitive dans un délai de quatre mois, perd son recours subrogatoire à l’encontre de l’assureur ou de l’auteur du dommage.

Il doit néanmoins être précisé que cette sanction ne s’applique que dans le cadre amiable, c’est-à-dire, dans le cadre d’une transaction entre l’assureur et la victime. Lorsque l’indemnisation de la victime s’opère dans le cadre judiciaire, la déchéance prévue à l’article L.211-11 ne s’applique pas : les tiers payeurs sont alors recevables à solliciter le recouvrement de leurs prestations (Cass. Crim. 5 décembre 1991, n°90-87188 ; Cass. Civ. 2ème, 15 avril 2010, n°09-66430).

 

2.- L’influence de la déchéance des droits des tiers-payeurs à l’égard de la victime.

 Si la déchéance des droits des tiers payeurs ne s’applique, selon les termes de l’article L.211-11 du Code des assurances, qu’à l’égard de l’assureur et de l’auteur du dommage, la question se pose de savoir si le tiers payeur peut se retourner contre la victime ?

 L’article L.211-12 du Code des assurances apporte sur ce point, dispose que :

« Lorsque, du fait de la victime, les tiers payeurs n’ont pu faire valoir leurs droits contre l’assureur, ils ont un recours contre la victime à concurrence de l’indemnité qu’elle a perçue de l’assureur au titre du même chef de préjudice et dans les limites prévues à l’article 31 de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985. Ils doivent agir dans un délai de deux ans à compter de la demande de versement des prestations ».

Les tiers payeurs, sanctionnés par une déchéance de leurs droits à l’égard de l’assureur, peuvent donc se retourner contre la victime, lorsque le défaut de production de leurs créances est consécutif à un fait de la victime. Concrètement, cela vise la situation où la victime a « omis de communiquer à l'assureur du responsable l'identité des tiers payeurs autres que son organisme de sécurité sociale » (Cass. Crim. 18 mai 1999, n°97-86687).

En application des règles traditionnelles du droit de la preuve, le tiers payeur doit prouver que, du fait de la victime, il n’a pas pu faire valoir ses droits à l’encontre de l’assureur (Cass. Soc. 28 mars 2002, n°00-17322, RCA 2002 n°231, RGDA 2002. 407).

 

Ainsi, il ne peut être que conseillé de s'entourer des conseils d'un avocat, qui maitrise parfaitement ces subtilités.

Article rédigé par Me Ferhat OULBANI